L’exploitation des matières colorantes

Etude réalisée par Hélène Salomon

 

Nature et origine des colorants

Les matières colorantes exhumées sur ce gisement de plein air sont abondantes (1031 morceaux recensés) et peu diversifiées :

- Les plus courantes sont de couleur rouge et de dureté très faible. Ces matériaux pourraient, par exemple, être utilisés directement sur des peaux pour les colorer sans la moindre peine.

- Mais on note aussi la présence de colorants rouge très foncé tirant vers le bordeaux ou le violet, dont la dureté peut être plus importante. Pour en exploiter la couleur, il faudrait concasser et broyer ou frotter un morceau de colorant sur une surface rugueuse.

- On note également la présence de morceaux jaune vif.

Les champs entourant le site archéologique recèlent de nombreux fragments de matière colorante, dont on a un équivalent sur le site solutréen. Une partie importante, au moins, de l’approvisionnement en matières colorantes s’est donc effectuée dans l’environnement très proche, probablement au gré des ramassages de silex destinés à la taille.

Afin de mettre en évidence des transformations techniques volontaires effectuées sur ces matériaux, il faut réaliser une série d’observations et d’analyses (comme l’analyse de la structure cristalline des vestiges ferrugineux) pour définir un chauffage intentionnel ou non des colorants. En effet le chauffage des oxydes de fer jaunes, appelés goethite, aboutit à la formation d’un oxyde de fer rouge appelé hématite. Si, de plus, les oxydes de fer jaunes sont brûlés en présence de matière organique, un troisième oxyde de fer, la maghémite, se forme.

 

Répartition et exploitation des colorants sur le site

La fouille du gisement a livré une grande quantité de matières colorantes, dont la répartition spatiale semble organisée. Sur une aire d’environ 20 m2, des remontages de quelques pièces, une accumulation de jaunes, une petite accumulation de rouges sableux et une grande accumulation de fragments rouge foncé ont été observés.

Il existe également un objet perforé (perforation biconique) de forme grossièrement pyramidale à base triangulaire, ainsi qu’un fragment de matière colorante portant de très fines traces d’utilisation. L’aire est parsemée de morceaux facettés et partiellement émoussés.

Deux objets en matière colorante, découverts respectivement dans les carrés L16 et O20. Le deuxième pourrait être interprété comme une pendeloque.

L’accumulation la plus importante correspond à des colorants rouges résultant du chauffage de colorants jaunes, et cette opération semble avoir été soignée : les colorants jaunes n’ont pas été grillés directement dans le feu au milieu du combustible. Ils ont probablement été placés dans les cendres chaudes ou dans une poche de sable (procédé connu dans le cadre de la préparation de la taille du silex à la pression). La transformation des blocs jaunes en blocs rouges pourrait ainsi résulter d’une action délibérée correspondant à un processus de chauffage incluant un contrôle de la température.

Les jaunes et les rouges se présentent sous forme de blocs arrondis de petite à moyenne taille. Ils paraissent roulés et émoussés. Y a-il eu une phase de concassage et de frottage avec une pierre mobile avant la cuisson des colorants?

Il semble donc qu'une aire de préparation des matières colorantes ait été mise au jour sur le gisement des Maîtreaux. Cette aire pourrait rassembler un bon nombre d’étapes envisagées dans la chaîne opératoire :

  1. Approvisionnement différencié et ciblé (recherche de rouge ou de jaune), tri des différents types de matières colorantes sur le lieu d’approvisionnement ou tri sur le gisement
  2. Stockage qui expliquerait les accumulations
  3. Débitage, concassage et broyage (nombreux fragments émoussés)
  4. Chauffage des jaunes pour obtenir des rouges
  5. Façonnage (objet perforé)
  6. Utilisation (objet portant des fines stries)

Répartition des différentes densités des matières colorantes sur le site des Maîtreaux (plan 2003).

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